Focus Pocus
Par Joseph Pine et James Gilmore (2001)
traduction par Leyla Kikukawa
Les focus group devraient être écartés. A la place, de vrais clients devraient être observés dans des vrais contextes.
Les focus groups (groupes de discussion) ont perdu leur focus. Autrefois ils étaient une technique de pointe pour sonder la psyché du public, mais leur utilité est maintenant mise en doute. Ils sont comme un magicien fatigué effectuant les mêmes tours semaine après semaine dans les Catskills [note de la traductrice : région des Etats-Unis]. Appelez-les “focus pocus” [ndt: en référence à “hocus pocus”, une expression d’incantation en anglais, semblable à “abracadabra”] car après qu’une entreprise a mené des centaines d’entretiens avec des focus groups, sa probabilité de découvrir une perspective vraiment nouvelle est presque inexistante. Il ne suffit pas d’entendre ce que les gens disent vouloir. Vous devez trouver un moyen pour que les gens montrent ce qu’ils veulent, et cela ne se produira pas dans l’environnement formel dans lequel se déroulent les groupes de discussion.
Car fondamentalement, les gens répondent aux questions qui leur sont posées. Trop souvent, les réponses apportées sont autant fonction de la réflexion à partir de laquelle les questions sont générées que l’indication de véritables désirs.
Il faut une toute nouvelle approche pour explorer les possibilités et identifier ce que les clients pourraient réellement utiliser, en particulier si l’intention est d’obtenir un véritable aperçu des nouvelles offres potentielles.
Voici trois principes essentiels, chacun remettant en cause un principe profondément enraciné des méthodologies traditionnelles des focus groups :
RECHERCHEZ L’UNICITÉ, PAS DE CE QUI EST COMMUN.
Avec des focus groups, les entreprises rassemblent un certain nombre de clients et s’efforcent de déterminer comment ils se ressemblent tous. Ils recherchent des points communs, dans l’espoir de trouver un besoin important et homogène qui peut être satisfait par une offre standard. Absurde ! Oubliez la notion de marché. Le plus petit dénominateur commun est un concept mathématique et non une doctrine du comportement humain. Les clients sont uniques. Point final. Ainsi, au lieu d’un focus group, les entreprises devraient organiser un “de-focus group”. Rassemblez un groupe de clients pour découvrir comment ils varient dans leurs désirs et leurs besoins. Délimitez les dimensions de l’unicité commune – les domaines où les clients diffèrent le plus dans leurs besoins individuels – puis concevez vos offres pour éliminer le sacrifice que chaque client rencontre selon ces dimensions lorsqu’il achète une offre standard.
Le détaillant de lunettes japonais Paris Miki Inc. a utilisé une telle approche lors de la création du système informatisé Mikissimes Design. La société s’est rendue dans son magasin du Louvre à Paris pour tester le système, en regardant comment les clients ont répondu à ses suggestions de lunettes soumises à une personnalisation de masse. La forme des sourcils s’est avérée être un domaine clé d’unicité commune. Les sourcils de chaque client différaient par la forme, mais chacun avait un meilleur “look” lorsque le bord supérieur des lunettes sans monture de la marque correspondait à cette forme exacte.
ARRÊTEZ DE PARLER, COMMENCEZ A REGARDER.
Avec les focus groups, c’est le médium qui induit en erreur. Le fait que les participants parlent de ce qu’ils veulent limite intrinsèquement les chances de découvrir de nouvelles opportunités. C’est l’utilisation d’un bien ou d’un service qui définit l’expérience client, il faut donc observer les clients en action pour comprendre leurs besoins non explicités. Récemment, quand une hôtesse de l’air a demandé ce que l’un de nous voulait boire, elle a entendu “rien, merci ” en réponse. La femme occupant le siège adjacent a également refusé. Ce n’est pas que nous n’avions pas soif ; au contraire, nous avons chacun apporté une bouteille en plastique de soda à bord et l’avons fixée dans la poche du siège devant nous. Pourquoi? Nous voulions utiliser nos ordinateurs portables sans risquer de déverser notre boisson dessus. Si les compagnies aériennes traitaient les vols comme leurs laboratoires d’apprentissage – en demandant aux agents de bord d’observer le comportement des clients pour obtenir des informations -, elles verraient rapidement l’opportunité de servir des récipients refermables au lieu de gobelets ouverts. Ils pourraient également installer des porte-gobelets ou peut-être faire concevoir un futur avion avec deux plateaux pour chaque passager – un pour la nourriture et un à un niveau séparé pour les ordinateurs portables et autres articles personnels.
NE TIREZ PAS DES ENSEIGNEMENTS PÉRIODIQUEMENT. FAITES DES RECHERCHES TOUS LES JOURS.
Aujourd’hui, les entreprises n’investissent que périodiquement dans des focus groups, généralement lorsqu’elles sont dans les affres du développement de produits. Mais lorsque les produits sont personnalisés en masse, un tel développement a lieu à chaque interaction avec le client. Ainsi, plutôt que de vous retirer entre les quatre murs de salles de conférence avec des miroirs de surveillance pour des scénarios hypothétiques, engagez chaque jour les clients individuels dans une recherche sur le design des offres des entreprises, une recherche qui devra se faire en direct, de façon continue et précisément au point d’interaction.
Pine and Gilmore sont co-auteurs de The Experience Economy: Work Is Theatre & Every Business a Stage
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